top of page
  • Photo du rédacteurPhilippe BENOIT

Récupérer le progrès : 7. Moissonner le site

Dernière mise à jour : 4 nov. 2019


Auteur inconnu, collage, pinterest.fr

 

Gérer et anticiper les pénuries. Intégrer cette idée dès la conception d'un édifice. Le monde de la construction pré-industriel était relativement étranger à ce type de problématique, exception faite des mauvaises gestions localisées des forêts, et des matériaux ostentatoires (marbres, bois précieux, etc.) peu présents sur le territoire métropolitain.

Si ces matériaux ne pouvaient être substitués, l’unique solution consistait à se les approprier par le commerce. Depuis des temps reculés, le commerce à permis d’équilibrer les pénuries et les surplus sur un territoire donné. Lourds et encombrants, les matériaux de construction nécessitent une grande quantité d’énergie pour être déplacés depuis leur région d’extraction jusqu’à leur hypothétique site de construction, ce qui rendait leur commerce sur de longues distances inabordable (sauf je le répète pour des cas de luxe ponctuel).


Pour économiser l'énergie du transport de nouveaux matériaux, les constructions étaient jusqu'à très récement vendues à la démolition à des artisans. Les pierres, les poutres, les toitures étaient systématiquement réutilisées dans les édifices nouveaux.

Ce rapport a été bouleversé premièrement, par l’arrivée d’une énergie de moins en moins onéreuse à partir de la révolution industrielle, permettant d’acheminer la matière sur des distances de plus en plus vastes, de plus en plus vite.


Deuxièmement, (pour les sociétés occidentales), par la délocalisation des usines des pays en voie de développement à partir des années quatre-vingt (1980), ou plus largement des échanges internationaux. Ce mouvement s’est considérablement accéléré durant les dernières décennies, au point qu'il peut être plus rentable de faire venir des matériaux de l’autre côté du globe, plutôt que de la région voisine, quand celle-ci produit encore la ressource.


On peut prendre pour exemple les ardoisières françaises qui en 2005 réalisaient un chiffre d’affaires de 41 147 000 euros, et consacraient près de la moitié de leur commerce à l’exportation (20 383 000 euros) (1). Elles ont aujourd’hui toutes ou presque épuisé leur gisement (sauf quelques petites carrières) et l’essentiel des ardoises posées sur nos toits proviennent aujourd’hui de l’étranger.


Ces échanges ont un coup écologique et économique important, sans compter qu’il contribuent à une mauvaise gestion des ressources à l’échelle locale.

Le commerce par son accélération dans des limites finies, crée la pénurie. Ce faisant, ils font émerger plusieurs problématiques. Écologiques d’abord. L’extraction de matériaux dans divers pays aux normes écologiques souvent moins contraignantes qu’en Europe, leur transformation sur place ou dans une tiers nation, leur acheminement, dégagent bien souvent une pollution importante, sans parler des zones dévastées par les rejets industriels dans la nature.

Sociales ensuite. Les travailleurs des pays producteurs sont souvent exploités, tandis que ceux des pays constructeurs sont sans emploi. Reste bien sûr la substitution de ces ressources épuisées, en espérant que cela puisse être possible localement cette fois, au cas par cas.

Une relocalisation de la production des matériaux de construction serait possible en France, à condition d’adapter nos habitudes constructives, c’est à dire de se réapproprier les matériaux biosourcés de façon massive, sans nécessairement engendrer de surcoût important.


Perraudin, Gilles, "56 maisons en bande", Cornebarrieu (Haute-Garonne)

 

L’architecte Gilles Perraudin (2) par exemple, parvient à produire des logements sociaux en pierre structurelle pour 800€/m2, soit environ le même prix qu’une construction en parpaings béton. Il serait ainsi possible de rouvrir certaines carrières (notamment les micro carrières d'ou étaient le plus osuvent extraites les pierres des villages), de développer les filières bois, terre et paille, des matériaux renouvelables (sauf la pierre, cela dit il en reste énormément (3)) à faible production de CO2.


En parallèle de la création de nouveaux emplois, cette démarche développerait nos forêts pour le bois de construction, de stocker du carbone et d’abriter la biodiversité. Elle participerait à un mouvement plus large de réaménagement du territoire complémentaire de la revivification du monde agricole.

On a trop souvent tendance à penser un antagonisme entre ancien et moderne. Cette frontière, comme beaucoup d’autres, n’existe pas. Il s’agit de s’approprier cette continuité, comme a su le faire le Japon par exemple, dans son architecture contemporaine, mais en interprétant la tradition non pas en termes formels, mais climatiques. Les passerelles possibles à travers l’histoire sont nombreuses.


A l’échelle du bâtiment, l’architecture populaire, des fermes, des immeubles etc. s’est optimisée sur plusieurs millénaires. Les gens de France ou d’ailleurs, ont construit ces modèles avec ce dont ils disposaient «sous la main». Même si la notion de confort évolue dans le temps, l’être humain a cherché à optimiser son habitat pour le rendre le plus agréable possible.


La production, locale, presque entièrement biosourcée cherche la meilleure manière d’obtenir le confort des usagers dans un climat donné. Sa simplicité constructive la rend appropriable, riche en projets possibles. Elle est durable et renouvelable, réparable, saine, source d’emplois.


SUITE :

 

(1) fr.wikipedia.org «Gisements ardoisiers en France», consulté le 11.06.2019


(2) Perreaudin, Gilles, «Maisons groupées, écologie constructive et travail sur les espaces intermédiaires»,Cité de l’architecture et du patrimoine, 2017, youtube.com, consulté le 10/06/2019


(3) Selon Bihouix, Philippe, «l’âge des low tech»,Editions Anthropocène Seuil, Paris, 2014

52 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page