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Photo du rédacteurPhilippe BENOIT

L'ENSAUVAGEMENT, le non-humain et les zones d'activités 2/2

Dernière mise à jour : 4 oct. 2020

CECI EST LA PARTIE 2, POUR LIRE D'ABORD LA PARTIE 1 CLIQUER ICI


Cet article est issu du concours pour la réhabilitation de l'ancien camps militaire des Fromentaux, à Saint-Maurice de Rémens, dans l'Ain. Le terrain est une friche en plein champs sur laquelle sont posés des entrepôts de munitions appelés "bombardes".


La maitrise d'ouvrage (communauté de communes de la plaine de l'Ain) souhaite réfléchir à une réhabilitation expérimentale du site, un travail sur les espaces publics innovants, en lien avec l'entreprise Transpolis (véhicules autonomes) déjà présente au sud du site.


Les textes et illustrations suivantes sont une oeuvre commune entre Baptiste Wullshleger de l'agence Les Oiseaux Architectes (architecte/paysagiste CESP), Damien Morel (écologue), et moi-même Philippe BENOIT (architecte DE/DSA patrimoine).

Voici la suite du récit de notre proposition.


Appliqué au camp des Fromentaux (en vert sombre au centre de l'image), l’ensauvagement (en vert clair au centre de l'image) dépasse le cadre de la simple expérimentation adaptable à d’autres zones similaires. Le non humain se régénère, s’étend d’abord vers transpolis et le futur pôle d’activité et avec lui, les aménités qu’il procure. Il se répand ensuite vers la ripisylve de l’Ain, et derrière elle, le plateau du marais des Dombes. À l’Est et au Nord il glisse sur la plaine et rejoint bientôt le Bugey.


Les Fromentaux deviennent une réserve de bioversité prête à réinvestir les espaces laissés libres aux alentours. Il suffirait par exemple de laisser une frange de champs libre pour y voir s’étendre la lisière.


L’ensauvagement ne suit pas un plan prédéfini. Il se contente de reprendre les espaces qu’on lui laisse, en créant un maillage souple, adapté aux incertitudes du réchauffement climatique. Il régénère les sols, et garantit l’habitabilité du territoire en développant la biodiversité, en captant l’eau, en protégeant de la chaleur, en rendant les sols à nouveau fertiles.


Un calepinage du site des fromentaux permet de délimiter différents milieux et écosystèmes. La définition de ces espaces via cette matrice permet d’élaborer un système de gestion. À la manière d’enclos temporaires, ils accueillent les bêtes de Joris Cros (un éleveur déjà présent sur le site et à qui un droit d'usage est conservé), qui en broutant et amendant plus ou moins les sols, favorisent l’installation de telle ou telle espèce de végétation. Afin de maintenir la présence des pelouses sèches, un pâturage extensif (peu d’animaux et sur des périodes de temps précis), est mis en place avec une rotation de pâturage ( un mois par zone par exemple.)


Un pâturage plus intensif est mis en place sur les zones où l’enjeu écologique est moindre. Et un pâturage très intensif peut être à prévoir sur les zones où sont présentes les espèces exotiques envahissantes.

La richesse de ces formes est primordiale pour rendre le lieu résilient aux dérèglements climatiques. C’est la conservation et parfois la création de milieux diversifiés qui favorisent la richesse biologique du site et que le projet met en valeur.

Pour inverser le ratio d’espace végétalisé, il est nécessaire de ne pas artificialiser davantage le site. Le sol est par conséquent sanctuarisé.



L’humain doit cependant se déplacer sur le site et «l’habiter». Il utilise pour ce faire les espaces déjà artificialisés, à savoir les routes existantes et les bombardes. Pour l’instant toujours dépendants des déplacements en voiture, les usagers se garent à l’entrée du site, et circulent ensuite dans des navettes autonomes fournies par Transpolis le long de l’axe central. Différents arrêts permettent ensuite de rejoindre les bombardes sur des passerelles en bois dont la construction ne nécessite aucune artificialisation des sols (détails en fig.11).

Ces dernières quadrillent l’espace en lignes droite, définissant les zones d’écopâturage ou de régénération naturelle précédemment abordées.


Les «bombardes» possèdent des qualités qui permettent une réutilisation, avec peu de transformation. Leurs cloisons de 70 cm d’épaisseur en béton armé peuvent supporter de très lourdes charges additionnelles, et confèrent une excellente inertie thermique aux bâtiments.


Nous proposons trois types d’intervention possibles. La première consiste en une simple fermeture du clos et couvert, en refaisant la toiture et les volets. Les bombardes subissant cette intervention peuvent ainsi être mises en attente sans se détériorer. Le second type d’intervention ajoute au premier une isolation intérieure permettant d’atteindre d’excellentes performances thermiques, ainsi que l’accès aux réseaux (eau, électricité, etc.) nécessaires pour en faire des espaces de travail confortables.


Si une fois installée une entreprise nécessite plus d’espace, il est possible d’étendre la bombarde verticalement, et donc à nouveau de préserver les sols (troisième intervention). Ces extensions seront réalisées en pisé, un matériau local, biosourcé, non polluant, compatible avec le béton des murs existants, et permettant de développer un artisanat local.

La zone d’activité n’est pas la ville. Elle en partage pourtant certaines caractéristiques. L’humain pour l’occuper à besoin de circuler, de se chauffer, d’avoir accès à l’eau à l’électricité, à des réseaux.


Cette réalité semble au premier abord incompatible avec la sanctuarisation du sol. Ce dilemne est résolu en créant un réseau de passerelles en bois imputrescible sur pieux battus, une technique simples, peu coûteuse, et facile d’entretien. Les réseaux sont installés dans des coffrets disposés en sous-face du platelage, c’est à dire hors-sol. La petite faune et la flore peuvent se glisser dans l’espace entre la sous-face des coffrets des réseaux et la partie supérieure du terrain, maintenant une continuité de passage.


La grande faune peut traverser aux endroits où les passerelles touchent terre. Les bordures et chasses roues sont réalisés en acier autopatinable, ce qui évite toute pollution par remise en peinture, et fait par la même l’économie de l’entretien. Des réservations sont conservées sur le platelage pour facilement visser n’importe quel mobilier expérimental, bancs, candélabres, affûts, etc.


Les différents milieux créés par l’ensauvagement et les différentes intensités de pâturage promet au site une richesse biologique exceptionnelle. Les pelouses sèches devenues rares, sont des habitats qui se développent sur les sols fins calcaires où l’eau s’infiltre rapidement, d’où le caractère sec. En plus d’accueillir une forte richesse en faune et en flore, on rencontre souvent des espèces remarquables par leurs raretés ou leurs statuts de protection comme l’Œdicnème criard ou l’Esparcette des sables. Ce sont des espèces inféodées aux pelouses sèches et leur survies dépend de celles de leur habitats.


Au-delà de la valeur écologique, cet habitat est aussi intéressant pour l’ambiance très naturel et sauvage qu’il offre et avec une forte valorisation possible auprès du public. Les zones de régénération naturelle plus embroussaillées et arborées (sans intervention) peuvent servir de refuge pour les différents animaux (nidification pour les oiseaux, abris pour les amphibiens ou reptiles). Les arbres apportent au site un confort climatique.


Une friche. Une route, une passerelle, un peu d’isolant, quelques tuiles et voilà l’humain qui réinvestit un lieu perdu, en évitant d’en construire un autre. Simplement laisser faire, et le non humain revient lui aussi. Observer, pâturer, apprendre, diversifier, l’humain et le non humain se rejoignent en créant des liens de codépendance pour former un écosystème résilient à l’inconnu des dérèglements climatiques. En observant l’évolution du lieu, cette méthodologie peut devenir un exemple adaptable ailleurs, dans les 10% du territoire français que représentent les zones d’activités.


La C.C Plaine de l’Ain devient ainsi pilote. Sa renommée renforce son attractivité. À horizon décennal, les sols du camp des fromentaux sont régénérés. En cas de changement radical des modes de vie (crise énergétique par exemple), le lieu peut désormais changer de fonctions et redevenir un espace agricole. Le non humain qui se développe sur le site ne demande qu’à continuer son développement vers les champs et les lieux attenants. Si on lui laisse un peu de place il glisse et connecte les entités paysagères, en offrant au territoire tout entier ses capacités de résilience.


Baptiste WULLSCHLEGER - Damien MOREL - Philippe BENOIT


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