Parmi les textes publiés dans l’exposition « Demain on fait quoi », à laquelle je participe (à voir ICI, ICI ou LÀ), j’ai été particulièrement interpellé par le texte de M. Stéphane Maupin (lien en bas de page). Comme l’indique le titre, l’événement interrogeait les professionnels pour recueillir une vision collective des futurs possibles.
Extrait de « Beam Me Up Scotty ! », par Stéphane Maupin :
« Si l'Hyperloop galopait sous nos pieds, Nantes, Genève, Bruxelles seraient les nouveaux quartiers de notre capitale. » (..) «Le lundi j'habite Bordeaux, le mardi je dors à Lille, le vendredi je me pâme à Marseille... »(1)
La suite est du même ordre, une profession de foi « techno-humoristique ». Je bloque. J’ai envie de lui demander :
Ok boomer!(2), quand est-ce que les choses sont devenues si sérieuses que je n’arrive plus à rire devant une posture de sale gosse qui réclame son nouveau jouet technologique? Même en version rire jaune flashy ou humour noir technicolor, ça ne passe plus.
Ce monde n’est pas fraichement sorti de son blister plastique. C’est un vieux rêve d’enfants nés pendant les trente glorieuses, biberonnés à la technologie et à l’énergie peu chère. Beaucoup l’on suivit depuis, pour créer le présent tel que nous le connaissons, avec ses limites, ses dysfonctionnements.
Trente ans plus tard, les enfants des années 2000 ont oubliés Star Trek, et rêvent simplement de ne pas avoir à vivre dans un épisode de Mad Max. Une confrontation irréconciliable des imaginaires, qui pose problème : à la question « Demain on fait quoi ? », comment proposer « la même chose qu’hier » sans nier les enjeux du monde qui s’ouvre devant nous ?
Ce serait drôle si ce n’était pas grotesque, si nous n’avions pas entendu la blague mille fois auparavant. Cette utopie existe déjà. Prenons le texte au mot : quelle différence y a t’il déjà entre se réveiller dans une chambre climatisée du quartier de Confluences à Lyon, sur l’ile de Nantes, ou à Bordeaux ? Quel écart de gout entre deux restaurants d’une même chaine, séparés par 50, 800 ou 8000km ?
Inutile donc d’aller encore plus vite, l’espace générique s’est déjà débarrassé de la géographie, du climat et des spécificités culturelles. Pourquoi alors continuer à vouer un culte au voyage?
Allez restons légers, je vous propose un petit jeu : qui peut me dire où ont été prises chaque photo : Lyon, Nantes ou Bordeaux ? Mettez vos réponses en commentaires.
1, 2 ou 3, saurez-vous retrouver la ville d'origine des photos? Mettez vos réponses en commentaire
Ok boomer, je te comprends. Ce monde est devenu trop sérieux. Faire ses courses devient une crise de conscience. Une simple grippe se transforme en récession économique internationale. Embrasser ta grand-mère peut la tuer. L’été est une canicule, et l’hiver un record de sécheresse.
Ça ne fait pas rêver, et c’est pourtant le résultat du monde d’hier, et de son imaginaire technophile. En 2020, nous n’avons malheureusement plus le luxe de l’inconséquence. Plaider dans le sens d’une intensification de la mondialisation est dangereux, et se paye en dixièmes de degrés supplémentaires de réchauffement climatique.
Qui peut encore se permettre de croire à la légèreté nihiliste de l’hédonisme ? Qui pour allumer un cierge à l’église du progrès thaumaturge (3) ?
« Le nouveau monde est celui de l’évasion ! » (1)
Je suis d’accord, et je fais mienne cette conclusion. Évadons nous des anciens systèmes de valeurs, pour imaginer de nouvelles formes de projet. Confronter le problème plutôt que de le fuir, c’est ouvrir les portes d’un imaginaire nouveau qui permettrait de travailler les questions insolubles dans la réalité présente.
Profitons en pour transformer les risques en opportunités de redécouvrir nos métiers, de se détacher du superflu pour aller à l’essentiel.
Il y a tellement à inventer en changeant de regard sur les villes, les territoires, les modes de vie, les plantes, les animaux. Ce serait prendre en compte le présent pour penser l’avenir, et faire enfin, triompher le fond sur la forme.
(1) Maupin, Stéphane, « Beam Me Up, Scotty ! », exposition « Demain on fait quoi », Pavillon de l’arsenal, Juin 2020. Le titre fait référence à Star Trek. Je vous invite à le lire ICI
(2) « Boomer », littéralement baby-boomer. Implicitement, ce qui appartient au passé.
(3) Thaumaturge : qui réalise des miracles. En référence à Philippe Bihouix et ses « ingénieurs thaumaturges », c’est à dire qui serait en capacité de résoudre miraculeusement toutes les problématiques par des solutions techniques.
@Hervé Marcault
Loin de moi l'idée de jeter les "babyboomers" avec l'eau du bain. Il s'agit de dénoncer une idéologie qui ne dit pas son nom, et qui de surcroit n'a pas de justification logique dans le monde contemporain. Elle est bien évidement héritée du passé, des périodes précédentes. Cela ne signifie pas que tout ce qui vient de la même période est à jeter.
@bdkarchi :
Je persiste et signe: je préfère progrès à accélération, parce que c'est un mot tellement galvaudé qu'il est devenu le slogan de certaines forces politiques conservatrices (cf. les dernières élections présidentielles).
Pour une définition plus longue, je t'invite à lire (si ça n'est pas déjà fait) ma série d'articles "Récupérer le progrès", disponible dans le sommaire du blog. Bonne lecture!
chic, une polémique... enfin une petite battle...
mea culpa, trop vite rédigé le mot PROGRES en regard de cet article
il eut fallu ,dans ce cas spécifique, du terme PROGRES, extraire/ écrire l' ACCELERATION , la grande déesse (DS!) du XXe siècle
et distinguer entre ACCELERATION réelle et virtuelle etc...
et là j'arrête car ceci mène à une développer une thèse abyssale avec, entre autre, des références au "passage du Nord ouest" Michel Serres 1980, puis "le contrat naturel" du même 1991, et relier Bergson et ses écrits sur la durée...etc
Bonjour,
Depuis 2500 ans les individus ont chercher à comprendre la société et a réduire les incertitudes sur les événements qu'ils subissaient. La démarche philosophique est né de ce besoin d'appréhender le monde en alternative aux explications religieuses ou superstitieuses. Cette démarche est lié aux approches et découvertes scientifiques qui commençaient à expliquer le cosmos et se détachaient franchement de l'approche sensibles des choses, pour découvrir des lois qui expliquent les forces de la nature.
Ainsi la démarche philosophique part de l'humain et grâce à la raison tente de répondre a des questions fondamentales pour parvenir à la sagesse, le bonheur et la paix.
Pourtant deux tendances émergent avec les idéalistes et les matérialistes. Ces derniers cherchent la vérité et…
hé oui! Maupin défend sa part du gâteau technologique, et sa foi envers le PROGRES...
les pistes qu'il offre sont des clichés soigneusement choisis du "5e élément" de Luc Besson, avec juste une petite touche de" Blade Runner II", version soft...et avec son hyperloop, il nous porte à méditer sur ce fantastique progrès : envoyer nos déchets sur Mars... Sans doute Vinci, Eiffage et Bouygues proposent-ils déjà à leurs architectes préférés (...) de construire les déchetteries martiennes...Donc soyons vigilants, il va y avoir de beaux projets , c'est sûr.
Et puis je relis les Villes Invisibles, et je pose ces questions:
Qui voudrait vivre à Léonie ? Qui y vit déjà?
Qui voudrait vivre à Cécilia ? Qui y vit…