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  • Photo du rédacteurPhilippe BENOIT

POUR OUVRIR UNE BRÈCHE FRUGALE, HEUREUSE ET CREATIVE

Le texte suivant à été co-écrit par le Manifeste pour une frugalité heureuse et créative, pour le pavillon de l'Arsenal, à quelques jours du déconfinement. Nous sommes nombreux à nous interroger sur les orientations collectives, à prendre en tant que société. La crise sanitaire que nous traversons a révélé notre besoin de changement.

Des alternatives pour construire demain existent déjà, sous la forme de dynamiques citoyennes écoresponsables, et locales, comme celle liée à la frugalité heureuse et créative. Depuis son manifeste en janvier 2018, des milliers de professionnels sont venu grossir ses rangs, pour apporter des solutions écologiques et concrètes aux territoires.

Carte des ressources du territoire lorrain, document en cours d'élaboration par le groupe «Lorraine» de la frugalité heureuse et créative.

 

La brèche frugale

L’isolement, c’est bien connu, est propice à l’introspection. Et c’est tant mieux, car la période qui s’ouvrira le 11 mai est trouble, imprévisible. La crise sanitaire pose, en premier lieu, la question de notre rapport à l’espace marchand mondialisé, à la vitesse dans notre quotidien et à nos politiques publiques. Pour beaucoup, ce marasme est un prélude aux secousses du dérèglement climatique, qui seront de plus en plus nombreuses et répétées.

Depuis le 15 mars, collectivement, nous avons découvert notre besoin de résilience. La racine de ce mot évoque le rebond, la capacité à se déformer et à reprendre sa forme.

Comme pour la pandémie, les mesures à prendre dans ce sens doivent être décidées bien en amont, car les effets sont rétroactifs. Il n’y a pas de fatalité culturelle. Nous avons vu à quelle vitesse un pays puis un continent puis le monde entier ont été capables de changer ses habitudes pour faire face au pire.

Ce changement profond n’a pas besoin d’être théorisé, il existe déjà. Il s’organise un peu partout en France, dans les régions. Il prend la forme d’une dynamique citoyenne, qui tente de remettre les pratiques de projet au cœur d’écosystèmes et de géographies habitées.


Les solutions existent

Il n’y a pas de vérité cachée, et même si nous pouvons dès maintenant organiser la résilience, le rebond ne suffira pas. Nous n’allons pas rebondir à chaque crise, nous n’allons pas soigner que les symptômes, que les effets catastrophiques de crises en crises, comme dans un permanent état cyclique et désastreux de notre monde.

Il faut nous attaquer aux causes structurelles des crises, car il s’agit à court terme de préserver l’habitabilité des établissements humains face en les adaptant à la chaleur croissante et aux incertitudes écologiques, énergétiques et économiques.

Pour y parvenir, nous devons construire une culture partagée de l’action éco-responsable : une culture de projet économe en matière, en technicité, en énergie et en territoire, comme le prône le Manifeste pour la frugalité heureuse et créative depuis janvier 2018. Chaque année plus nombreuses, des réalisations exemplaires de bâtiments et d’aménagements « basse technologie » avec une approche participative aux besoins des sociétés prouvent que l’approche frugale est non seulement souhaitable, mais possible, déjà mise en œuvre à toutes les échelles de nos interventions. Pourtant le passage à l’acte reste le morceau de bravoure.

Elles ont toutes en commun d’envisager un nouveau rapport au territoire. À l’image de l’agriculture écologique, ces projets s’attachent à un terroir par une récolte heureuse des richesses locales tant physiques qu’humaines. Elles organisent l’espace en un écosystème, gommant les limites des sphères humaines et du non-humaines au sein de géographies et de climats variés.


Les territoires les inventent

Partout en France, des gens se mettent en mouvement, le peuple de l’écoresponsabilité se manifeste. Dans les forêts des Vosges, dans les carrières du Gard, les côtes du Finistère ou dans les friches de Rhône-Alpes, ils inventent des solutions concrètes, qui fonctionnent, et souvent à des coûts inférieurs à ceux de projets dits « conventionnels ». Ils sont architectes, paysagistes, urbanistes, ingénieurs, aménageurs, élus, fonctionnaires, artisans, ou simples citoyens.

Ce mouvement ne vient pas d’une injonction étatique ni du monde marchand. C’est un engagement qui remonte du terrain pour faire naitre le monde de demain. Jour après jour, cette dynamique auto-organisée invente des méthodes, convainc à l’échelle locale et régionale, là où le projet se fait, retrouve des savoir-faire, adapte l’intelligence du temps long aux « en-jeux » (c’est-à-dire de ce que l’on peut perdre) du monde contemporain.


Ensemble pour construire les bio-territoires

Les initiatives sont nombreuses. Le Manifeste pour une frugalité heureuse et créative en regroupe quelques-unes. Une trentaine de groupes régionaux œuvrent sur leur territoire pour faire émerger cette démarche commune. Peu à peu, des outils d’utilité publique sont façonnés par des équipes transdisciplinaires de professionnels et non professionnels du monde de la construction, de l’urbanisme et du paysage.

Une cartographie inédite des ressources en matériaux biosourcés et géosourcés est par exemple en cours de réalisation. Elle est complétée d’exemples de projets contemporains inspirés par le territoire pour donner l’envie à d’autres de sauter le pas. Ce projet lancé par le groupe Frugalité de Lorraine a été repris par la plupart des autres groupes locaux du mouvement de la frugalité.

Beaucoup reste à faire, mais d’autres dispositifs du même ordre sont déjà en chantier, aux six coins de la France, en outre-mer et à l’étranger au Maroc, en Belgique et au Vietnam). Ce maillage pose les bases de ce qui sera peut-être bientôt la base de « bio-territoires » et des bio-régions.

La mise en mouvement collective des professions du bâtiment a débuté. Cet engagement quotidien ne résoudra pas tout, mais il pourra y contribuer, et c’est indispensable : le secteur du bâtiment émet 40%(1) des gaz à effets de serre et consomme 40% de l’énergie produite dans le monde.

Aménager les territoires en re-situant l’humain dans son écosystème, c’est non seulement réduire efficacement ces chiffres, mais aussi construire un rapport au monde frugal, heureux et créatif.

Pour s’en prendre aux causes, pas seulement aux effets, la frugalité est le modus operandi. Elle ouvre une brèche dans la prison de l’actuel.


Pour y participer, signez notre manifeste : https://www.frugalite.org/fr/le-manifeste.html

(1) D’après Guillaume Hubert, directeur de la chaire de construction durable de l'Ecole polytechnique de Zurich (ETH)

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